Traduit par : Laura Alcoba
Ce livre est renversant du début à la fin, l’autrice raconte avec passion et élégance la vie de la « comédienne » une actrice trans, célèbre et hautaine et de ses familles, celle d’origine et celle bâtie pas sans douleur.
La comédienne et son mari « l’avocat » gay, riche et très sophistiqué, moi je les aime, grâce à eux et aux très utiles personnages, jamais secondaires, la romancière argentine, actrice et trans elle même, insuffle dans son œuvre littéraire les mots nécessaires pour décrire les maux de la société, de la famille, du couple et de l’enfance.
Dans cette histoire il y a aussi l’enfance torturée par la vie.
« L’enfant » est adopté, l’enfant est séropositif.
En moins de deux pages Camilla Sosa Villada dit tout sur le SIDA et le dit comme une écrivaine peut le faire, avec la force d’une mère qui protège son enfant, c’est immense et réussi.
Ce livre m’a écorchée pendant la lecture et m’a également fait voyager dans la réalité si lointaine et si proche de la mienne.
« Indétectable » es-tu indétectable ? est la première question qu’une patiente de mon unité de rééducation de l’hôpital Bicêtre m’a posé et moi toute personne engagée, militante, donatrice de ACT UP avec un tatouage de « The radiant baby » de Keith Haring, sur la cheville gauche, je n’ai pas su répondre.
Indétectable est une personne séropositive avec une charge virale tellement faible qui rend la transmission du VIH impossible.
Pas improbable ! IMPOSSIBLE !
On m’a demandé alors si mon coma et ma paralysie temporaire étaient dus « au virus » et moi j’ai répondu oui au virus varicelle-zona (appelé VZV, pour varicella-zoster virus).
Nous n’avions pas le même virus, presque les mêmes séquelles neurologiques, parfois mais elles et eux étaient « neuro-sida », mon neurologue dit ces « oubliés de la vie ».
Alors j’ai des choses en commun avec la protagoniste, les sentiments et les interrogations sur la vie l’amour, le corps, la séduction, les vêtements de Vivienne Westwood et la durée d’être confronté de près à cette maladie qui reste aujourd’hui stigmatisante.
J’ai vécu 18 mois avec le regard des visiteurs, des associations, des familles.
Je ne suis pas séropositive mais eux ne le savaient pas.
Histoire d’une domestication perle de toutes les stigmatisations qui rendent si difficile de vivre avec un model de vie qui est différant sans se rendre compte que l’AMOUR est le même pour toutes et tous. « La comédie » dit refuser d’aimer et pourtant, comme tout être vivant ne cherche que ça.
Dans cette histoire théâtre de vies en quête du bonheur tout est extrême et pourtant pas si irréaliste que ça.
Mention spéciale pour la façon de traiter les scènes de sexe.
C’est brutal et cru et pourtant, calibré pour dérouter juste le nécessaire et puis il y a aussi le besoin d’admiration et de séduction qui agrémentent ces moments dans le texte.
Lecture prenante, changeante, profonde.
Éminemment politique même dans les détails.