Lecture certainement insolite: Vincent Platini, chercheur et enseignant, propose un recueil de lettres de suicide. Pour chaque lettre notre imagination est stimulée par le contexte, le type de lettre et les suites données à l’acte.
Cette anthologie contient de courts mots et des missives plus longues, pour expliquer, pour s’expliquer. Les lettres couvrent une large période historique, certaines précédents la dépénalisation du suicide en 1791 et nous découvrons aussi une partie du procès au suicidé et son éventuelle condamnation.
On faisait bien des procès aux cochons donc pas de surprises pour les suicidés.
Dante les relègue dans le deuxième giron du septième cercle où sont punis les violents envers eux-mêmes.
Dans la forêt des suicidés:
« Nul vert feuillage, mais de couleur obscure, nul rameau droit, mais noueux et tordu, nul fruit n’avait, mais pointes à venin ».
Enfer, chant XIII, 4-6
La forêt est illustrée par, parmi d’autres, Botticelli, William Blake, Salvador Dali.
Le suicide, tabou moral est traité comme une action tout aussi exécrable que le meurtre. Il s’agit d’un meurtre sur soi.
Nous découvrons dans ce livre, une mine d’informations, accompagnées par les analyses de Platini des documents d’époque, comme un « Album de suicides de M. Revers » un cahier d’un médecin carcéral, qui décrit plusieurs suicides, note la manière et le moyen, l’arme éventuelle, employée pour se ôter la vie. De nombreux dessins complètent le document.
Si le code pénale a changé la religion catholique reste immuable, le suicide empêche les sacrements et prive de sépulture. Les lettres parfois ne traitent pas de religion mais Dieu reste en arrière plan. Napoléonien conçoit le suicide comme une désertion, mais cela n’empêche pas les militaires et les forces de l’ordre de se donner la mort, avec une attitude martiale certes, mais le résultat reste un suicide.
L’auteur esquisse aussi l’acte politique de se supprimer. C’est à ce moment que milles pensées surgissent en moi. Je songe aux passionnés qui pensaient laisser une trace que le temps a fini par effacer, je me tourne aussi au morts d’amour et de douleurs pour un monde trop difficile.
Cette chronique me fait méditer sur le destin des inconnus, des Poètes, des Philosophes, des artistes et âmes trop sensibles pour continuer à vivre. Pour un petit instant et grâce à ce livre il ne seront plus oubliés ni considérés comme déserteurs ni jugés.
Extraordinaire travail de recherche et compilation, un grand Bravo ! à l’auteur.