Les voleurs d’innocence – Sarai Walker – Gallmeister

Les voleurs d’innocence est un roman magistral et raffiné. Disons le tout de suite, je suis séduite par ce texte. Ça m’arrive souvent des Gallmeister, mais cette fois il s’agit d’avoir vrai et pur.
Sensible, intelligent, prenant, féministe, merveilleux, fantastique, j’ai presque envie de faire une chronique avec une liste de qualités.
Il faudra bien par contre que je vous dise a minima, une partie de l’histoire…
Nous partons avec Sarai Walker, près de New York, dans les années (9) 50, pour découvrir, la pas banale, histoire d’une famille de fabricants d’armes, ils ont même un film qui honore une arme de leur fabrication ! quelle gloire …mais quelle honte de vivre pour faire mourir d’autres personnes (Ehhhhm c’est mon opinion, mais je soupçonne l’autrice de penser comme moi …)
Famille donc aisée qui habite un manoir Victorien ( trop long d’expliquer pourquoi mais j’aime les manoirs Victoriens, tout comme l’époque.) 6 filles y habitent, toutes portent un prénom florale, leur mère souffre, elle ressens des présences, malade, possédée, maudite, à vous de voir en lisant le livre. Elle annonce la mort de ses filles, les unes après les autres, juste après leur mariage.
La prophétie commence, page après page à se réaliser…

Un réalisme gothique, un peu comme dans Histoires de fantômes de Charles Dickens vous envahira, le surnaturel, rend l’histoire encore plus prenante, les personnages, mêmes les secondaires ont un rôle très précis, chaque phrase est là pour conduire le lecteur dans la peu et la peur de cette famille. C’est aussi une belle réflexion sur le destin et sur le poids de nos actions et le poids du passé !
J’ai adoré lire ce livre,( je sais vous le savait déjà …) j’aime la construction de l’histoire et je ne pouvais plus me détacher de ses pages.
L’alchimie est crée par un réalisme fantastique un peu à là Iris Murdoch.
Iris est aussi le personnage central de cette histoire fantastique.
Si vous avez peur de ne pas aimer le côté gothique de l’histoire, adressez vous directement à l’illustre critique littéraire Fabrice Del Dogo, il saura vous expliquer, bien mieux que moi la beauté de ce texte que nous avons lu, de façon non préméditées, au même moment.
Ce livre est, tout simplement beau !

J’avance dans votre labyrinthe – Joncheray – Le Nouvel Attila

Je connaissais déjà certains échanges de lettres entre auteurs ; Sand-Musset, Verlaine-Rimbaud, Camus-Casares, Mitterand-Pingeot.

Joncheray inaugure les dystopies épistolaires par les courriers qu’aurait pu écrire la jeune Miléna Jesenka à Franz Kafka de 1920 a 1923.

L’auteur imagine les réponses enflammées de Miléna aux lettres de Kafka qui la nommait son « feu ardent ».
On peut lire le livre seul, comme si l’on découvrait une liasse d’enveloppes parfumées cachée dans une malle au fond d’un grenier ou s’amuser a poser « les lettres de Kafka à Miléna » a coté, et passer de l’un à l’autre au fil des jours de cette relation amoureuse.

C’est une douceur que de redécouvrir comment on écrivait avant l’e-mail, de l’angoisse de la boite aux lettre vide, de la confession intime confiée aux services postaux: un art que l’autrice revivifie avec bonheur.

Elsa Brändström – Elsa BJÖRKMAN-GOLDSCHMIDT – Turquoise

Cette biographie de Elsa Brändström. est traduite pour la première fois en français, pourtant son histoire est de celles qui nous concernent toutes et tous.

Quand l’altruisme se transforme en action quotidienne pour le bien, un nom inconnu doit devenir une série de pages d’une lecture qui nous accompagne.

Elsa Brändström, cette infirmière suédoise, née en Russie est surnommée, « L’Ange de Sibérie ».

Elle participa à d’innombrables actions de secours médicaux de prisonniers.

Elsa Brändström raconte avec justesse et sentiment les années passées en temps de guerre, en aidant dans toute la Sibérie, les hôpitaux, dans les terribles situations engendrées par les combats.

Son engagement dans les rangs de La Croix Rouge est important et reconnu.

Cette Biographie est écrite par la plus chère amie de l’Ange de Sibérie et notre héroïne a contribué activement à sa rédaction.

Un texte qui transporte le lecteur dans la dure réalité de la guerre, des guerres. Elsa Brändström a également été nominée cinq fois pour le prix Nobel pour la paix : en 1922, deux fois en 1923, 1928 et 1929.

Infirmière de terrain, organisatrice, animatrice d’importantes collectes de fonds, ce livre est le récit de la vie d’une femme d’une incroyable volonté et détermination, je n’en connaissais pas l’existence et pourtant elle me fait penser à un personnage d’Elsa Morante, oui une autre Elsa qui a traversé la guerre en écrivant sur les extraordinaires actions de personnes ordinaires.

Je suis très contente de cette lecture des Éditions Turquoise, que je découvre également et dont je parlerai plus spécifiquement très rapidement.

Ces femmes, l’écrivaine est son personnage mettent d’être reconnues, je vous conseille cette lecture cette histoire de femmes.

William – Stéphanie Hochet – Rivage

Le 23 septembre sera publié le nouveau roman de Stéphane Hochet, j’attends toujours les annonces de ses sorties avec impatience car j’aime sa façon de nous raconter les histoires.
Une écrivaine qui voyage avec brio dans les sujets qui lui sont chers, est une artiste à suivre.
Tout a commencé avec son Éloge du Chat, livre que je ne pouvais qu’aimer.


En lisant « William » dans un café, une dame m’a demandé si il s’agissait d’une biographie du prince…
J’ai répondu l’autre William, l’anglais encore plus célèbre et une liste démesurée et que j’ignorais de William a résonné dans les vides rues parisiennes, mais non non Shakespeare Madame ! La suite est coutre et simple : ah … (silence) j’ai pu donc finir mon jus de myrtilles, seule avec « mon William » guidée par Stéphanie Hochet dans les années méconnues de la vie de Shakespeare.

Tout est bien écrit et décrit bien une époque.
C’est décidément mon livre préféré de l’écrivaine, le fond et la forme sont en parfaite harmonie.
Coup de cœur pour William, que je vous invite à découvrir.
Il est temps de donner la parole avec deux questions, une sur le livre et l’autre sur elle :

Bonjour Stéphanie,

Deux questions pour et sur vous :

Le choix d’une intrigue sur une partie de la vie de Shakespeare, est-elle due à une fascination/admiration de l’écrivain et symbole Britannique ?

Vous arrivez toujours à attraper le lecteur qui ne peut plus lâcher vos œuvres, mais en suivant vos activités, les réseaux sociaux trahissent, vous êtes aussi une écrivaine engagée et présente,
pensez-vous qu’un « intellectuel »
doive être engagé, de façon un peu gramscienne ?

Bonjour Cristina,

Pour répondre à votre question, je suis toujours fascinée par les personnages de mes livres. Écrire n’est pas facile et demande énormément d’énergie, je ne peux passer des mois voire des années qu’avec des gens qui me fascinent.
J’ai rencontré Shakespeare à l’âge de 18 ans, il a été absolument essentiel dans ma vie de jeune femme. J’ai adoré étudier son œuvre et comme je le dis dans « William », il m’a permis de m’élever. À cette époque, j’aurais pu sombrer à de nombreuses reprises. J’avais besoin de m’accrocher à une très haute branche.

Concernant la deuxième question, chaque écrivain fait comme il veut et comme il peut.

Je ne sais pas si je suis engagée, je me méfie de ce mot un peu poseur, un peu crâneur. Je suis naturellement bouleversée par l’injustice que je constate à des endroits variés.

Je ne peux pas être indifférente à l’extinction des espèces, à la violence du sexisme ou à la guerre à nos portes. Depuis mes années d’étudiante j’ai pris l’habitude de lire la presse, quant à la chose politique, j’en parle depuis l’enfance, ayant été élevée dans un milieu très politisé.
Je suis en même temps d’une nature sceptique, constatant chaque jour combien l’être humain ne pense qu’à son propre intérêt.

Merci Stéphanie !

Le système du docteur Goudron et du professeur Plume – Poe / Baudelaire – Folio junior

Mini lecture commune

Pourquoi cette nouvelle ?

Parce que j’en ai récemment parlé avec mon formidable neurologue.

J’ai lu presque la totalité des œuvres de Poe en Anglais et toute occasion est bonne pour lire « Poedlaire », Poe traduit par Baudelaire !

Le poète maudit était traducteur et diffuser d’Edgar Allan Poe en France.

Moi, moi j’aime l’Anglais et le Français et surtout, leur belle histoire littéraire, vraiment extraordinaire.

J’ai également lu les nouvelles traductions des œuvres de Poe, elles sont louables et sont plus Poe mais …mais moins Baudelaire.

Ce petit Folio junior est bien une traduction du POÈte français.

Mon avis ce confirme, une nouvelle de l’absurde comme je les aimes. Le questionnement est voulu et nécessaire : Qui sont les fous ? : mais tous on est tous fous.

Une autre interrogation, commune cette fois, est liée à la collection, la nouvelle ne nous semble pas trop adaptée aux lecteurs de Folio Junior.

@ViedeKoala est contente de la découverte et va se dépêcher de continuer les lectures des livres de Poe. Elle a envie de se délecter avec les adaptations cinématographiques.

Nous vous conseillons la lecture de cette nouvelle dans la version et la langue que vous préfèrez

Gradatim et Carmina veneficarum – la vie des classiques – les belles lettres

Le 15 août prochain sortiront 2 cours, de Latin et de Grec ancien, la collection propose déjà des belles lectures bilingues.

J’ai fait des longues études de Latin et je conseille de découvrir cette langue perdue mais pas superflue. Utile même pour l’apprentissage d’un lexique anglais érudit, nécessaire même pour le français et surtout pour l’italien.

La vie des classiques proposent une méthode agréable qui permet une réelle progression.

Je me suis amusée en retrouvant la joie que l’étude du Latin me procurait.

Si vous êtes des absolute beginners : This book provides absolute beginner’s with a great place to start learning Latin.

Se siete italiani il Latino è assolutamente necessario e questo libro vi permetterà di studiare il latino in francese, si sì la pronuncia é diversa.

Et oui la prononciation du Latin en Italie est celle dite ecclésiastique.

Jeu pour l’été :

Trouver la différence de prononciation de Venni Vidi Vici , Salve Regina et Alea jacta est.

Si vous avez envie de partager vos progressions ou re-progressions, je serai ravie d’échanger !

Merci aux éditions Les Belles Lettres de répondre présent au besoin de retrouver « nos racines ».

Je vous conseille ce cours qui est vraiment le nec plus ultra en la matière.

le Siècle de Louis XIV – Voltaire – Phoenix

S’il y a des livres qui passent au travers de la raquette de la scolarité, le Siècle de Louis XIV par Voltaire en est le parfait exemple, et pourtant il n’y a pas d’autre œuvre qui permette de mieux comprendre, de vivre même, le grand bouleversement culturel que fut le « grand siècle ».
Voltaire s’est posé en témoin de tout ce qui s’est déroulé dans cette période, de la géopolitique européenne aux alcôves de Versailles, des guerres de Flandres aux personnages de Molière.
Voltaire ne savait peindre, il fallait donc qu’il brosse le portrait d’un esprit français qui devait inspirer l’Europe.
C’est un régal que de lire les anecdotes, ces petites histoires qui forment la grande, dans la langue acidulé du philosophe.

Le livre est le fruit d’un travail artisanal, la maison d’édition est réputée pour la qualité des objets et de ses textes, toujours importants.
Ceci n’est pas un livre de poche, nous sommes en présence d’un hard cover, soigné et reconnaissable. Je vous conseille de passer un moment à regarder le beau catalogue, passionnés d’histoire attention, vous ne pouvez pas passer à côté de ces ouvrages !

Questions à Ferdinand Laignier-Colonna – Marche ou rêve

Ferdinand (auteur de Marche ou rêve ) :
  1. Si tu devais définir ton livre en 3 mots?
    Et en en un peu plus de mots?
  2. Pour qui ce livre? Je ne veux pas savoir pourquoi mais connaître le public que tu vises et si l’écriture a été pour toi un moyen de transformer les maux en mots.
  3. Quel est ton plus beau souvenir liée à ton aventure littéraire?
  4. Carte bleue -non sorry – Blanche:
    Je te laisse la parole pour un message que tu voudrais délivrer …

1. Trois mots : Panache, insolent, romanesque
Et en un peu plus : C’est un roman que j’ai voulu désinvolte, caustique, ironique mais également ponctué d’humour et d’autodérision.


2. Je ne cherche pas un public en particulier. Je vise tous les lecteurs, quels qu’ils soient, les curieux d’un nouvel auteur, les lecteurs compulsifs ou occasionnels, les passionnés de littérature, etc. La littérature s’adresse à tout le monde. Le lecteur doit trouver dans la narration des échos de sa personnalité. Au cœur du singulier, il y a l’universel.
Dans un roman et un premier roman d’autant plus, il y a toujours un peu de soi ou du moins une exposition de soi. J’ai voulu traiter un motif rare en littérature : le handicap. Le transfigurer par la fiction, par la vérité de la littérature pour montrer qu’il pouvait être un propos complètement romanesque. C’est un sujet qui effraie, car on imagine quelque chose de pesant. On s’attend à un récit moiré de pathos, un brin victimaire et les gens n’ont pas envie de ça. Une narration incisive pour éviter les stéréotypes et l’apitoiement m’a permis de désamorcer ces contraintes. Je souhaitais en jouer, m’en moquer. Mais les thèmes présents dans « Marche ou rêve » sont bien plus vastes que le seul motif littéraire du handicap : l’amour, l’identité, le regard, etc. Je laisse le soin aux lecteurs de le découvrir !

3. J’ai deux souvenirs liés à cette aventure littéraire : le premier est le travail éditorial réalisé avec mon éditrice Roxane Defer. J’ai aimé les échanges, les discussions, tout ! Et le deuxième, ce sont les rencontres avec les lecteurs et lectrices lors des différents événements culturels (salons, dédicaces, etc…). Des moments de partage savoureux.

4. Carte Blanche
Pour finir sur un message : lisez, ayez la curiosité de découvrir de nouvelles plumes, échangez, aimez, détestez, la littérature nous anime et nous élève ! Lire, c’est s’évader et s’évader, c’est être libre !

Tous les hommes … – Brault – MU

Ce livre d’anticipation conjugue de nombreux espoirs :

que la France survive à la mondialisation et conquiert sa place dans le concert des planètes,

que l’universalisme français se répande dans sa propre fédération stellaire,

que la déclaration des droits de l’homme de 17 89 touche l’esprit des populations extra-terrestres,

même si l’auteur reste conscient des travers de la réal-politic coutumière des gouvernements depuis 62.

J’ai vraiment souri aux nombreux emprunts à la littérature française pour nommer les colonies, leurs villes et quartiers : une planète nommée Rabelais et sa capitale Gargantua a quand même plus de gueule que le fade Alpha 177 de Star Trek, que le vaisseau spatiale s’appelle Ulysse 31 m’a cependant un peu gênée car du coup j’avais le générique dans la tête a chaque fois et attendais nono le petit robot au détour d’une page.

Un excellent livre qui donne à la science-fiction une ouverture nouvelle vers l’anticipation politique.

La Marquise de Gange et autres romans historiques – Sade – Bouquins

Le Marquis de Sade (1740-1814) était un écrivain et humaniste du siècle des Lumières, grand Défenseur de la liberté, sans limites et sans morale religieuse.
Son œuvre, qui est à la fois la théorie et l’illustration de ce qu’on désignera par « le sadisme », forme un ensemble de sa vision philosophique . Même si on ne considère pas ses textes comme proprement philosophiques.
Son œuvre est habituellement séparée en deux : il y a, d’un côté, l’œuvre publique et reconnue par l’auteur et, de l’autre, l’œuvre clandestine, sulfureuse.
Connaître la vie de Sade est une condition sine qua non pour comprendre son œuvre. Toutes ses œuvres.

Le livre qui nous intéresse est un recueil de textes historiques de Sade.
3 héroïnes pour trois époques, des ambiances et des décors différents mais une vision et des réflexions communes animent ses romans.
J’affectionne particulièrement ces textes.
La grande Histoire devient moyen d’action, de rébellion.

Sade est un auteur qui extériorise, toujours.

La même ardeur mais avec des dosages différents d’audace.
Le flamboyant est une nécessité pour lui.
Sade n’écrit pas de façon isolée et solitaire. Sa vision et ses œuvres occupent tout l’espace.
Je vous conseille ce livre, pour compléter vos connaissances, ou, seulement pour surmonter un tabou qui vous priverait de la connaissance d’un homme sulfureux à l’écriture limpide et singulière.
Une porte d’entrée pour comprendre la totalité des écrits du marquis.


Et pour approfondir rien de mieux que : Sade : une esthétique de la duplicité: Autour des romans historiques sadiens ( oui oui dans ce cas on ne dit pas sadiques) chez Classiques Garnier

Le point de vue d'un jeune philosophe :"
« Pardonnez-moi seigneur, si tant est que vous existiez,
car c'est en opposition aux lois de la nature que je n'ai pas assez pêché. »
Un désir peut-il être mauvais ? Y-a-t'il des fantasmes qui puissent être condamnés
moralement même sans réalisation ni projet de les expérimenter ? On pourrait continuellement enflammer les plus viles passions en nous que nous aurions toujours les mains propres si jamais elles ne deviennent acte. Il y a même paradoxalement une vertu plus admirable chez les vicieux qui se retiennent que chez les bons qui ne font pas le moindre effort pour agir en vu du bien. Mais que penser de ceux qui ont trouvé un exutoire, un moyen d'expression de leurs désirs ? Que dire d'une
œuvre sulfureuse ? D'un œuvre dont la morale n'est qu'à cause de la finitude humaine qui nous empêche d'aller aussi loin qu'on le voudrait. D'un catalogue des violences et des abus avec comme mot d'ordre « toujours plus ». Qu'importe, ce n'est qu'un livre après tout.
Et si son auteur fut l'un des prisonniers de la Bastille, il ne fut pas le plus grand criminel de son temps comme on pourrait l'imaginer en lisant ses écrits. Il y enchaine les victimes, jouit du meurtre et plus encore, il s'en justifie. Il théorise une anthropologie perverse et brutale, un état de nature
contre lequel la société se serait construite pour retenir les hommes et leurs  passions destructrices. Il laisse place à son imagination pour écrire et décrire, mettre en scène ses fantasmes, montrer ces deux vérités que l'on ne voudrait pas voir mais qui sont bien en nous : Que le mal est désirable et qu'il peut être jouissif.
De faibles âmes réfutent par pudeur, et même sans le reconnaître par un orgueil dont elles jouissent, qu'elles puissent aimer infliger ou souffrir de la douleur, de la honte, de l'humiliation, de la violence et de la destruction. Mais même si l'objectif était de garder le Contrôle de soit, le déni serait-elle la
meilleure des stratégies ? Ou ne faudrait-il pas affronter son propre psychisme directement, apprendre à le connaître dans ce qu'il a de plus inacceptable et de plus refoulé. Tous les interdits y sont gravés, cachés mais là, sous-jacents et affectant notre esprit sans qu'on ne l'aperçoive. Ça repose en moi et il me faut y faire face.
En ce sens, s'il peut être difficile de lire Sade à des fins de stimulation tant les limites sont constamment dépassées dans l'excès, ce qu'il a écrit à un intérêt initiatique indéniable. Il montre la partie obscure en nous et peut nous aider un peu plus à réaliser la maxime de l'Oracle de Delphes
« Gnỗthi seautόn » et de suivre l'injonction de Pindare à devenir ce que nous sommes. Il peut inspirer d'autres écrits plus modérés, des moyens d'exprimer sainement ce qui est pervers, nous pousser à explorer nos pratiques au-delà des limites des mœurs sans que cela ne soit nécessairement contraire au souverain Bien. Nul besoin de le commettre, seulement de savoir que le meurtre a un effet incomparable sur les sens. Non plus d'abuser d'autrui lorsque cela peut être consenti dans un jeu de rôle ou dans une fiction littéraire. Et puis de tout façon, quiconque souffre de désirs qui le poussent beaucoup trop loin peut trouver un défouloir dans l'art. C'est bien à cela qu'elle sert.
Ainsi, à lui comme aux autres libertins, la culture kink et ses praticiens lui sont redevables. Mais que jamais ne soit oublié ce petit paradoxe avant la lecture, que contrairement à ce que semble signifier
l'adjectif issu de son nom, il n'y a rien de plus masochiste que l'écriture du point de vue de la victime
et que de fantasmer son bourreau.
Benoît Soler, le 11/07/2023"