Mot de l’éditeur :
10 décembre 1919 : le prix Goncourt est attribué à Marcel Proust pour À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Aussitôt éclate un tonnerre de protestations : anciens combattants, pacifistes, réactionnaires, révolutionnaires, chacun se sent insulté par un livre qui, ressuscitant le temps perdu, semble dédaigner le temps présent. Pendant des semaines, Proust est vilipendé dans la presse, brocardé, injurié, menacé. Son tort? Ne plus être jeune, être riche, ne pas avoir fait la guerre, ne pas raconter la vie dans les tranchées.
Retraçant l’histoire du prix et les manœuvres en vue de son attribution à Proust, s’appuyant sur des documents inédits, dont il dévoile nombre d’extraits savoureux, Thierry Laget fait le récit d’un événement inouï – cette partie de chamboule-tout qui a déplacé le pôle magnétique de la littérature – et de l’émeute dont il a donné le signal.
Biographie de l’auteur :
Thierry Laget est né à Clermont-Ferrand, en 1959.
Après avoir vécu en Auvergne, en Touraine, en Toscane, en Île-de-France, il s’est établi en Bretagne.
Romancier, il a publié huit volumes, dont, chez Gallimard, Iris (1991), qui a obtenu le prix Fénéon 1992, Roman écrit à la main (2000), Supplément aux mensonges d’Hilda (2003), Madame Deloblat (2006) et La Lanterne d’Aristote (2011, prix de l’Académie française Maurice Genevoix 2012).
À la collection « L’un et l’autre » — dirigée, chez Gallimard, par J.-B. Pontalis —, il a donné Florentiana (sur la ville de Florence), La Fiancée italienne (biographie d’Alaïde Banti, liée au mouvement des Macchiaioli, peintres pré-impressionnistes toscans), À des dieux inconnus (sur les livres, la lecture et l’apprentissage de la réalité), Portraits de Stendhal et Bibliothèques de nuit.
Il est également l’auteur de nouvelles (Atlas des amours fugaces aux éditions de l’Arbre vengeur et Dix manteaux rouges, Gallimard, sélectionné pour le Goncourt de la nouvelle 2018), d’une suite de méditations en prose, accompagnées d’eaux-fortes de Christiane Vielle, Bergers d’Arcadie (Fata Morgana, 1995), d’un poème en prose, Les Quais minéraliers, avec des aquatintes de Christiane Vielle (Al Manar, 2004) et d’un recueil de poèmes, Semer son ombre, avec des gravures de Julius Baltazar (Al Manar, 2009).
Il a collaboré à l’édition d’À la recherche du temps perdu dans la bibliothèque de la Pléiade, sous la direction de Jean-Yves Tadié, procuré des éditions de textes de Jacques Rivière (Quelques progrès dans l’étude du cœur humain), de Marcel Proust (Le Côté de Guermantes et Les Plaisirs et les Jours) et de Gustave Flaubert (Madame Bovary). En 2019, à l’occasion du centenaire de l’attribution du prix Goncourt à À l’ombre des jeunes filles en fleurs, il publie Proust, prix Goncourt. Une émeute littéraire.
Il a préfacé Monsieur Stark, roman de l’écrivain suisse Pierre Girard (1892-1956), dont il a également choisi et présenté des chroniques consacrées aux voyages, Les Sentiments du voyageur, suivi de Anges américains.
Il est membre du jury du prix Valery Larbaud et président de l’Association des amis de Jacques Rivière et d’Alain-Fournier.
Notre avis :
Le 17ème prix Goncourt décerné depuis la création de l’Académie fera l’objet de polémiques et affrontements. Le lauréat est Marcel Proust pour « À l’ombre des jeunes filles en fleurs ». Proust est probablement le romancier qui a fait couler le plus d’encre depuis sa disparition. Son œuvre a été décortiquée par plusieurs générations d’intellectuels.
« Proust, prix Goncourt. Une émeute littéraire » est l’histoire d’un prix Goncourt pas comme les autres, plus que bien documenté, on a l’impression d’avoir passé quelques heures avec tous les protagonistes du monde de l’édition et de la presse post première guerre mondiale.
Les jurés, le 10 décembre 1919, au restaurant Drouant, à Paris, au troisième tour de scrutin confèrent le prix à Marcel Proust. Lequel est en train de dormir. « Les Croix de bois », roman évoquant les tranchées, de Roland Dorgelès était pressenti comme favori. L’écrivain privé de Goncourt recevra la même année le prix Femina, qui s’appelait alors prix Vie heureuse.
Mais pourquoi l’auteur de « À la recherche du temps perdu » va-t il être insulté de milles manières? le plus souvent parce qu’il est trop vieux, trop riche et ne parle pas de l’effort de guerre. Mais également pour des raisons plus subtiles qui se réfèrent à son œuvre globale, à son mode de vie, au conteste politique et à une certaine vision homophobe de l’époque.
L’ouvrage retrace aussi la naissance du prix Goncourt, aujourd’hui puissante institution. Récompense qu’un écrivain peut avoir une seule fois (sauf si on est Roman Gary/Emile Ajar mais ça c’est une autre histoire…)
Thierry Laget utilise les mots justes et sensibles pour cet essai, écrit de façon remarquable dans un style alerte, agréable et efficace.
Pour lire ce livre passionnant avec une tasse de thé ou un café et une madeleine pas besoin d’un questionnaire !
❤️❤️❤️❤️❤️
Gallimard