Le Marquis de Sade (1740-1814) était un écrivain et humaniste du siècle des Lumières, grand Défenseur de la liberté, sans limites et sans morale religieuse.
Son œuvre, qui est à la fois la théorie et l’illustration de ce qu’on désignera par « le sadisme », forme un ensemble de sa vision philosophique . Même si on ne considère pas ses textes comme proprement philosophiques.
Son œuvre est habituellement séparée en deux : il y a, d’un côté, l’œuvre publique et reconnue par l’auteur et, de l’autre, l’œuvre clandestine, sulfureuse.
Connaître la vie de Sade est une condition sine qua non pour comprendre son œuvre. Toutes ses œuvres.
Le livre qui nous intéresse est un recueil de textes historiques de Sade.
3 héroïnes pour trois époques, des ambiances et des décors différents mais une vision et des réflexions communes animent ses romans.
J’affectionne particulièrement ces textes.
La grande Histoire devient moyen d’action, de rébellion.
Sade est un auteur qui extériorise, toujours.
La même ardeur mais avec des dosages différents d’audace.
Le flamboyant est une nécessité pour lui.
Sade n’écrit pas de façon isolée et solitaire. Sa vision et ses œuvres occupent tout l’espace.
Je vous conseille ce livre, pour compléter vos connaissances, ou, seulement pour surmonter un tabou qui vous priverait de la connaissance d’un homme sulfureux à l’écriture limpide et singulière.
Une porte d’entrée pour comprendre la totalité des écrits du marquis.
Et pour approfondir rien de mieux que : Sade : une esthétique de la duplicité: Autour des romans historiques sadiens ( oui oui dans ce cas on ne dit pas sadiques) chez Classiques Garnier
Le point de vue d'un jeune philosophe :" « Pardonnez-moi seigneur, si tant est que vous existiez, car c'est en opposition aux lois de la nature que je n'ai pas assez pêché. » Un désir peut-il être mauvais ? Y-a-t'il des fantasmes qui puissent être condamnés moralement même sans réalisation ni projet de les expérimenter ? On pourrait continuellement enflammer les plus viles passions en nous que nous aurions toujours les mains propres si jamais elles ne deviennent acte. Il y a même paradoxalement une vertu plus admirable chez les vicieux qui se retiennent que chez les bons qui ne font pas le moindre effort pour agir en vu du bien. Mais que penser de ceux qui ont trouvé un exutoire, un moyen d'expression de leurs désirs ? Que dire d'une œuvre sulfureuse ? D'un œuvre dont la morale n'est qu'à cause de la finitude humaine qui nous empêche d'aller aussi loin qu'on le voudrait. D'un catalogue des violences et des abus avec comme mot d'ordre « toujours plus ». Qu'importe, ce n'est qu'un livre après tout. Et si son auteur fut l'un des prisonniers de la Bastille, il ne fut pas le plus grand criminel de son temps comme on pourrait l'imaginer en lisant ses écrits. Il y enchaine les victimes, jouit du meurtre et plus encore, il s'en justifie. Il théorise une anthropologie perverse et brutale, un état de nature contre lequel la société se serait construite pour retenir les hommes et leurs passions destructrices. Il laisse place à son imagination pour écrire et décrire, mettre en scène ses fantasmes, montrer ces deux vérités que l'on ne voudrait pas voir mais qui sont bien en nous : Que le mal est désirable et qu'il peut être jouissif. De faibles âmes réfutent par pudeur, et même sans le reconnaître par un orgueil dont elles jouissent, qu'elles puissent aimer infliger ou souffrir de la douleur, de la honte, de l'humiliation, de la violence et de la destruction. Mais même si l'objectif était de garder le Contrôle de soit, le déni serait-elle la meilleure des stratégies ? Ou ne faudrait-il pas affronter son propre psychisme directement, apprendre à le connaître dans ce qu'il a de plus inacceptable et de plus refoulé. Tous les interdits y sont gravés, cachés mais là, sous-jacents et affectant notre esprit sans qu'on ne l'aperçoive. Ça repose en moi et il me faut y faire face. En ce sens, s'il peut être difficile de lire Sade à des fins de stimulation tant les limites sont constamment dépassées dans l'excès, ce qu'il a écrit à un intérêt initiatique indéniable. Il montre la partie obscure en nous et peut nous aider un peu plus à réaliser la maxime de l'Oracle de Delphes « Gnỗthi seautόn » et de suivre l'injonction de Pindare à devenir ce que nous sommes. Il peut inspirer d'autres écrits plus modérés, des moyens d'exprimer sainement ce qui est pervers, nous pousser à explorer nos pratiques au-delà des limites des mœurs sans que cela ne soit nécessairement contraire au souverain Bien. Nul besoin de le commettre, seulement de savoir que le meurtre a un effet incomparable sur les sens. Non plus d'abuser d'autrui lorsque cela peut être consenti dans un jeu de rôle ou dans une fiction littéraire. Et puis de tout façon, quiconque souffre de désirs qui le poussent beaucoup trop loin peut trouver un défouloir dans l'art. C'est bien à cela qu'elle sert. Ainsi, à lui comme aux autres libertins, la culture kink et ses praticiens lui sont redevables. Mais que jamais ne soit oublié ce petit paradoxe avant la lecture, que contrairement à ce que semble signifier l'adjectif issu de son nom, il n'y a rien de plus masochiste que l'écriture du point de vue de la victime et que de fantasmer son bourreau. Benoît Soler, le 11/07/2023"