Lettre à l’Éléphant / Romain Gary / Les Éditions de l’Eclaireur 

Dans « Lettre à l’Éléphant », Romain Gary combine sa verve littéraire et son engagement humaniste pour nous offrir une œuvre aussi poignante qu’une sonnette d’alarme. Ce récit court, initialement paru en 1968, revêt une importance renouvelée, surtout à l’ère de l’anthropocène où les enjeux environnementaux et éthiques convergent.

L’histoire débute par un aviateur, visiblement épuisé, contraint de poser son appareil dans une savane reculée du Soudan. C’est dans cet espace dévasté qu’il rencontre un éléphant d’un rouge sombre — un événement allégorique, presque mystique, que Gary transforme en une méditation sur la liberté. Le pachyderme symbolise la « liberté infinie », la même que Gary avait célébrée avec les « Les Racines du ciel », et qui ressurgit ici comme une métaphore de la résistance face à l’oppression. 

Dans une lettre imaginaire, adressée à cet éléphant, Gary met en lumière la brutalité d’une civilisation prête à tout pour ses intérêts immédiats, sacrifiant les éléphants sur l’autel du progrès. L’écrivain voit bien au-delà de ce massacre : c’est la liberté même de l’humain qui est menacée. « Dans un monde entièrement fait pour l’homme, » écrit-il, « il se pourrait bien qu’il n’y eût pas non plus place pour l’homme. »

La portée philosophique de Gary se dévoile pleinement lorsqu’il associe la survie des éléphants à celle de l’humanité. Il suggère que sauver ces créatures majestueuses revient à se sauver soi-même de l’aliénation et de l’étouffement.

Accompagnée d’une postface de Frédéric Potier, « Lettre à l’Éléphant » devient un manifeste écologique où la défense de la nature se mue en impératif moral. Potier, par sa perspective nuancée, renforce le plaidoyer de Gary, soulignant combien cet avertissement garde une actualité troublante.

Cette « Lettre à l’Éléphant », d’une pertinence glaciale, nous exhorte à réfléchir sur le genre de monde que nous souhaitons léguer. Un cri du cœur pour une liberté partagée, qui transcende les espèces et interroge notre humanité.

Pour marque-pages : Permaliens.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *